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La Collection est l'uvre d'une très large collaboration, organisée et soutenue par l'Institut des Sources Chrétiennes,
de la part d'universitaires ou chercheurs, de clercs diocésains ou religieux de France et de nombreux pays.
Résumé et/ou extraits : Le Cento Probae est un poème de 694 hexamètres, de contenu biblique, composé selon la technique centonaire à partir des trois chef-œuvres virgiliens, l’Énéide, les Bucoliques et les Géorgiques. L’auteur, généralement identifiée avec la noble Faltonia Betitia Proba, réécrit en vers l’histoire biblique, mais, loin de faire une paraphrase suivie de l’Ancien et du Nouveau Testament, elle choisit les épisodes qu’elle considère comme les plus représentatifs : Proba livre en fait à ses lecteurs une interprétation de l’histoire du salut qui présente des traits tout à fait originaux et parfois à contrecourant par rapport à l’exégèse dominante de son temps. L’intérêt principal de ce poème est donc théologique. L’apport personnel de Proba s’exprime non seulement dans le choix et dans l’agencement des épisodes bibliques, mais aussi et surtout dans le jeu d’allusions sous-jacentes aux vers virgiliens : c’est le contexte d’origine des poèmes-sources qui contient la clé de lecture des épisodes-clé du Centon. Nous citons, à titre d’exemple, un petit extrait du récit de la création d’Ève et de la réaction d’Adam face à cette nouvelle créature : olli somnum ingens rumpit pavor : ossaque et artus / coniugium vocat ac stupefactus numine pressit / excepit manu dextramque amplexus inhaesit (vv. 133-135). Le lecteur avisé reconnaît que le texte sous-jacent est celui de la rencontre amoureuse de Didon et d’Énée et comprend que celle d’Adam et Ève est le point de départ d’une relation amoureuse, destinée à une fin tragique. Si l’interprétation de ce passage est exacte (elle a été avancée par A. Badini et A. Rizzi, Proba. Il Centone, Bologna, 2011, et sera vérifiée au cours de la préparation du présent travail) cela signifie que : 1) pour Proba, l’amour entre homme et femme fait partie du projet de Dieu pour l’humanité ; 2) il s’agit d’une lecture originale, si l’on pense que les exégèses courantes à son époque, exclusivement masculines, considèrent la relation des deux protoplastes ou bien comme le péché qui a provoqué la chute ou bien comme la conséquence de la chute elle-même. La poétesse ne nie pas la responsabilité d’Ève, causa mali tanti (v. 202), mais jamais elle n’exprime des mots de condamnation. Par ailleurs, plusieurs indices disséminés dans le Centon nous parlent de Proba comme d’une femme, épouse et mère, comblée par sa vie de famille. Il s’agit d’un autre aspect du plus haut intérêt, affirmée à une époque où les plus grands théologiens prônent l’idéal de la vie solitaire et exaltent la chasteté et la virginité comme la forme parfaite de la vie chrétienne. Ce n’est peut-être pas un hasard si Jérôme, qui semble avoir connu le poème de Proba, définit cette dernière comme une « vieille bavarde ». À notre connaissance, il n’existe pas de traduction française du Centon de Proba. Nous signalons néanmoins la thèse de H. Cazès, Le livre et la lire. Grandeur et décadence du Centon virgilien au Moyen-Âge et à la Renaissance (1998), qui contient une traduction du poème, mais elle ne nous a pas semblé satisfaisante à la première lecture. En ce qui concerne la littérature secondaire, c’est essentiellement l’aspect littéraire et technique qui a retenu l’attention des spécialistes, notamment en milieu francophone. Ce poème est effectivement d’une beauté et d’une intelligence extraordinaires : la poétesse utilise les citations virgiliennes avec une stratégie précise et réfléchie, en montrant par là une parfaite maîtrise de l’art poétique et de la technique du centon. C’est pourquoi le Centon de Proba est souvent inclus dans les études sur la poésie centonaire. Proba commence à intéresser les spécialistes d’autres pays, notamment anglophones et germanophones ; par contre, en Italie il y a une longue et importante tradition d’études. Nous estimons qu’il serait important que le public francophone puisse disposer d’une bonne traduction d’une poétesse chrétienne et, comme nous espérons le montrer, d’une femme exégète. Gabriella Aragione et Agnès Arbo
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